Ordre de partir !
Ne nous étonnons pas de certains doublets ! Passer de Marc à Matthieu fait parfois lire des textes parallèles, ce qui est le cas ces jours d’où une impression de passe son temps à passer sur l’autre rive. Le temps en barque, le temps de la barque, notre temps tangue. On aurait peut-être aimé que non, entendue la dureté des paroles ! Affrontons l’épreuve ! (Mt 8, 18 – 22)
« Jésus, voyant la foule autour de lui, donna l’ordre de partir sur l’autre rive du lac.«
Jésus n’invite pas, cette fois-ci ses disciples à passer sur l’autre rive, il donne l’ordre de partir vers l’autre rive.
Jésus parle en maître, sa parole ne vient pas de lui, elle vient du Père et y retourne en ayant accompli son œuvre. Que se passe-t-il à ce moment pour Jésus, pour la foule, pour les disciples ? Pourquoi cet ordre de l’éloigner vers l’autre rive ? Coup de cœur ? Coup de folie, impérieuse mission ?
Il donne l’ordre de s’éloigner alors qu’il arrive juste là, descendant de la montagne. La foule l’attend et il semble la fuir. Le récit s’accélère, la puissance de la Parole de Jésus opère des miracles, fait bouger et touche la foule. Il ne se laisse pas enfermer par la foule et par les miracles, il doit aller plus loin, il doit emmener la foule ailleurs, vers l’autre rive.
Vers l’autre rive, toute une démarche physique d’abord, il faut passer la mer, se risquer, prendre le large, prendre de la distance, aller vers l’inconnu.
Deux hommes pressentent un changement radical et se présentent à Jésus, l’un pour aller avec lui, l’autre pour différer le départ. Deux situations extrêmes qui scandalisent, à première audition. Deux situations emblématiques de l’existence, l’avoir et l’être : origine et donc dimension affective avec le père, réussite et donc dimension relationnelle avec la pauvreté.
De l’éloignement dans l’espace, le temps, dans l’être et le faire, Jésus donne l’ordre d’un autre déplacement symbolique, existentiel : le détachement qui conduit à l’abandon, de la terre au ciel, du fini à l’infini.
Tout se joue en quelques mots, forts, justes, sortis du cœur, touchant le cœur, mettant le cœur en haleine. Et le nôtre, ce matin, qu’entend-il dans cet ordre de Jésus ? Que peut signifier pour nous, concrètement, passer sur l’autre rive, avec Jésus ?
Appel à un magnifique vagabondage de notre vie selon l’expression de Mère Teresa de Calcutta ?
En fait, Jésus donne l’ordre de n’avoir rien sur quoi nous appuyer pour prendre appui sur Dieu avec confiance, car nous sommes à lui et il est notre Père prévoyant. Il ordonne de nous éloigner de nos sécurités toutes matérielles et humaines pour aborder la rive de l’amour filial en confiance absolue. Lui-même n’est-il pas passer sur l’autre rive, passer du Père à la condition humaine, passer par la mort pour passer au Père en sauvant tous les hommes ?
Difficile perspective,
mais laissons-nous attirer et guider
par le Vagabond de Dieu, le Vagabond de Nazareth !