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Homélie du Vendredi Saint 2021 à Vanves

Trois disciples accompagnèrent Jésus quand il est sorti selon son habitude, pour prier seul dans la nuit à l’écart.

Les autres ont disparu ; ils ont fui. Ce qui était annoncé leur paraissait trop risqué pour se retrouver encore dans la tempête…

Seuls ceux du mont Thabor qui avaient vu la face resplendissante de Jésus ont osé l’accompagner …
Epuisés par les émotions qu’ils venaient de vivre au cours de la Cène, ils ne purent garder les yeux ouverts….

Jésus viendra à leur rencontre pour chercher un soutien, une consolation. : Triste à en mourir écrit Matthieu Simon, tu n’as pas eu la force de veiller une heure avec moi ! Son intervention ne changera rien, ils étaient exténués. Venu une seconde fois, il les réveille à nouveau, les met debout, mais rien ne change. Ils se rendorment. Quel drame et en même temps quelle maîtrise de la part de Jésus au long des heures qui s’enchainent ! La 3ème supplique se transforme en miséricorde pour ses amis exténués : Continuez à dormir et reposez-vous (v. 41)


La nuit est passée, le procès est achevé.
Nous nous retrouvons face à la croix du Christ Jésus. Tronc sauvage, au cœur dur, aux branches coupées … planté là comme un pieu pour une barrière définitive entre Dieu et les hommes. Le voici sur le point de prendre racine irriguée par le sang d’un corps déchiré, animé par le souffle d’une prière. Comment la contempler sans voir l’Homme qui s’y meurt ? Angoissé et tordu de douleur… Comment nos yeux ont-ils pu s’habituer si facilement à tous ces crucifix que nous affichons partout ?

Aujourd’hui c’est à nous d’ouvrir les yeux de notre intelligence et de notre cœur au moment de contempler l’agonie de Jésus… le sang qui coule, la vie qui est confisquée. Le Vendredi Saint ne concerne pas que le passé. C’est le jour du mal où l’Église saisit à bras le corps la terrible réalité du péché et sa puissance en ce monde.

C’est la longue plainte des innocents, de tant de nos frères et sœurs qui vivent en enfer sur notre terre. Elle monte de tout l’univers et même de l’intérieur de notre Église. Longue plainte dont les gémissements, les pleurs et les larmes étouffées ne parviennent presque plus à nos oreilles engourdies. En ce Vendredi Saint, le crucifié est reproduit en une multitude d’innocents que nous croisons sur leur chemin de croix.

Sur le Calvaire, il y avait déjà trois croix. Elles représentent toute l’humanité en souffrance et souvent en révolte comme ce jour-là : « Ceux qui étaient crucifiés avec lui l’insultaient » Mt 15, 32- Lc 23, 33
À l’une des croix l’un des brigands qui injuriaient Jésus réalise soudain que la Croix n’est pas réservée à ceux qui violent la Loi. Elle n’est pas un châtiment. Les misères du monde sont portées par des innocents.
Quel retournement pour cet homme … et pour nous !

Cela dépasse toutes les exigences des lois humaines qui enferment dans un faisceau de prescriptions que nous aurions dû appliquer !

L‘un des deux brigand – en écoutant les murmures émis par Jésus en forme de prière … découvre que Jésus est Fils d’un Père qu’il aime tendrement et auquel il a obéi par amour… juste par amour… non parce qu’il se serait fait le serviteur de la Loi ! C’est juste l’inverse !
De la Loi qui humilie par sa tyrannie et qui est source de désespoir, le Christ nous a sauvé … Frères et Sœurs, Quand sur la Croix mourrait la Vie, la loi est morte avec le Christ sur la croix !

Voilà ce dont le bon larron prend conscience : la mort de Jésus à ses côtés est la révélation suprême de sa compassion et de son amour … pour les pécheurs et pour le Père qui lui avait demandé de n’en perdre aucun.

Le brigand est touché. Il reproche à son compagnon d’infortune ses phrases d’insulte. Il rend témoignage à l’innocence de Jésus. Il le supplie de se souvenir de lui dans son Royaume. Au moment où la plupart des disciples ont pris la fuite, le malfaiteur bienheureux représente tous les pécheurs qui ne doutent pas de l’amour de Dieu… même s’ils vivent dans la honte de leur faute. Ils se savent encore dignes d’être aimés !
Par quel retournement nous devons passer pour comprendre cela !

Sur l’autre croix, l’autre brigand représente cette part d’humanité qui se justifie, s’endurcit et s’obstine. Celles et ceux qui s’imaginent que leur dignité, leur sainteté est de se soumettre à la Loi sans cœur et sans liberté. Ils observent la lettre… dans un esprit de crainte … chemin mortifère, embrumé par la certitude fausse que personne ne sera plus jamais capable de les aimer… même pas Dieu ! puisqu’ils ont transgressé la loi. Le péché contre l’Esprit Saint qui doute de l’inépuisable miséricorde de Dieu.

Entre les deux croix : il y a celle de Jésus.
.Ses bras s’étendent vers l’une et vers l’autre,
vers le pécheur illuminé par la présence aimante de Jésus..
.vers celui qui est dans le fatalisme de la transgression et le déni de sa responsabilité, vers la prière et vers l’insulte.

La troisième Croix est celle de l’innocent offensé
À l’écoute de ce dialogue, à la vue de ce qui s’était passé le centurion rend gloire à Dieu : « Vraiment cet homme était Fils de Dieu ! »

C’était la sixième heure -aux alentours de midi – lors de la 1ère conversion d’un païen.
En prêtant l’oreille, ceux qui étaient au pied de la Croix saisissent l’ultime dialogue entre Jésus et le Père…
Entre eux il y a tout un passé d’amour. une éternité d’amour… manifestée à plusieurs reprises dans l’Évangile. Il était le Fils bien aimé.
Le silence du Père reste douloureux. Il provoque une souffrance qui ébranle la foi face à la mort. Jésus en est assaillie. Elle souligne la détresse de la solitude au moment de ce passage.

Un silence à couper le souffle…
pourtant ce souffle est encore assez puissant … Il arrache un cri – strident… qui traverse le ciel depuis la terre. Cri de douleur qui jaillit de l’âme plus que du corps qu’il ne sent déjà plus tellement il est anéanti de blessures. ….
Il s’accompagne d’une ultime prière marquée de tendresse et murmurée : Mon Dieu, Mon Dieu , pourquoi m’a-tu abandonné ?
Dernier souffle, dernier soupir…

Un cri ce n’est pas un discours. Seuls quelques mots saisis, de rares murmures qui laissent éclore une miséricorde qui nous est étrangère et qui vient de Dieu. «  Père pardonne-leur…  »

Jésus devient le fils aîné de la Parabole du Fils prodigue :

Aujourd’hui je te le dis , tu seras avec moi dans le paradis (lc 23,43).

Heureuse faute qui nous a valu un tel rédempteur chanterons-nous dans la nuit de Pâques ! Le salut est pour les pécheurs, pas pour les justes

A l’écoute de ce dialogue, à la vue de ce qui s’était passé, le centurion romain rend Gloire à Dieu : Vraiment cet homme était le Fils de Dieu

Jésus semble mourir en l’absence du Père. Pourtant une certitude jaillit du même psaume 22, 10 :

« Sur toi je fus jeté au sortir du sein,
dès le ventre de ma mère, mon Dieu c’est toi
 ».

Jésus ne demande pas grand-chose : Ne me cache pas ta face,
au cœur de la tempête il n’a pas d’autre désir : te voir…

Et voici que le rideau du Sanctuaire se déchira depuis le haut jusqu’en bas …

Il n’y aura plus jamais de distance entre Dieu et l’humanité par le sacrifice de Jésus. Dieu ne sera plus enfermé dans un Temple, dans une Église. Il reprend lui-même sa liberté… Désormais la présence de Dieu en nous sera dans le sanctuaire de nos cœurs. Tel est le signe qui vient du Père, Signe tant désiré par Jésus et qui se manifeste aux yeux des hommes.


La mission n’est pas achevée !

Jésus descend jusque dans les régions inférieures de la terre… jusqu’aux enfers – pendant trois jours.
Pour aller voir de ses yeux la partie inachevée de la création.
Pour aller à la rencontre des justes et des prophètes de l’Histoire – ces hommes et ces femmes qui ont livré leur vie pour l’honneur de Dieu, la défense des petits et des pauvres, la recherche des brebis égarées, les victimes de tant d’injustices.
Pour aller à le recherche de l’humanité dévoyée. Car pour elle aussi, pour elle d’abord, il a livré sa vie. Ce sont ces hommes et ces femmes qu’il réveillera lors de sa seconde venue. Il les fera mettre debout .

En ce voyage… sur les chemins de croix de Jésus, il y eut une multitude de visages de lumière :
Marie et Jean, les femmes de Jérusalem, Nicodème, Joseph d’Arimathie, le bon larron, le centurion romain, les anonymes au pied de la croix…
Comme il y a de multiples visages de lumière sur les chemins de croix de notre histoire aujourd’hui … au chevet des malades, des migrants, des sans domicile, des enfants abandonnés ou abusés, des familles sous les bombes, des pères et mères sans emploi… mais non sans frères et sœurs qui se mobilisent et inventent de nouvelles alliances jaillies de la Croix du Christ qui redevient un arbre vivant !

Tous et toutes consolent le Fils de Dieu sur son chemin de passion traversé par l’humanité d’hier et d’aujourd’hui.. Le Christ a saisi leurs mains et nous extirpe avec eux du creux de l’enfer. Au carrefour du salut, sur le Golgotha, les trois croix sont toujours plantées, l’une porte la marque de l’espérance. La croix redevient un arbre de vie sur lequel s’est endormi le Maître et le Seigneur … un arbre qui retrouve ses fleurs et pour l’heure nous invite à la patience, à la contemplation.

Un grand silence et une grande solitude.
Un grand silence parce que le Roi dort.
Dieu s’est endormi dans la chair.
Dieu est mort dans la chair et les enfers ont tressailli.
Notre Dieu va chercher Adam, notre premier père, la brebis perdue.

St Épiphane.

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