Transfert de Chemillé à Martigné
Cela a commencé en 1960. Le 21 Novembre, le curé de Martigné vint bénir notre futur monastère. Avant la bénédiction, il nous dit en termes chaleureux sa joie de nous accueillir dans sa paroisse « Quelle joie plus profonde peut-il y avoir au cœur d’un prêtre que de bénir un lieu qui va devenir maison de prière ? ». Grande aspersion des lieux, et de toutes les pièces de la maison.
Le mardi 29, veille de la St André, c’est la signature du bail avec promesse de vente, entre la SCI de la rue d’Issy à Vanves et Mme Ruais, mettant la maison de La Barre à notre disposition.
A ce moment-là, nous ne pensions pas quitter Chemillé tout de suite, un peu pour laisser aux habitants la possibilité de s’habituer au départ du monastère, qui était sur leur territoire depuis 150 ans.
Mais même quand on se tait, tout se sait. Et le Doyen de Chemillé vint assez vite pour dire son désir de créer une école familiale rurale qui ouvrirait le 1er Octobre, ce qui entraînerait l’achat de la plus grande partie du Monastère.
Voilà donc nos projets modifiés et il fallait faire face. Dieu conduit tout, de son pas à Lui, qui à ce moment-là était rapide.
Ce transfert était donc dans l’esprit et le cœur de la communauté, et bien sûr, dans sa prière. Il fallut s’organiser pour s’occuper de la maison de La Barre, ce qui désorganisa un peu la vie habituelle de la Communauté tout en la gardant vivante et régulière.
Presque chaque semaine, une équipe de quelques sœurs avec le jardinier venait passer une journée pour s’occuper du jardin, supprimer ronces et mauvaises herbes, nettoyer et tailler les arbres fruitiers, ou bien encore préparer la maison ou rencontrer des entreprises. Le temps passe vite, 1961 est déjà un peu avancé quand est décidée la date de notre arrivée définitive à Martigné. Ce sera pour l’Assomption de Notre – Dame, le 15 Août.
Tout est en règle : Monseigneur Veuillot, évêque d’Angers a donné l’autorisation du transfert, entraînant l’achat de la maison de Martigné et la vente du Monastère de Chemillé pour en faire une école ménagère rurale qui sera dirigée par les sœurs de la Salle de Vihiers. Tous les conseils demandés sur les plans diocésain, monastique, rurale ou agricole ont tous été plus que favorables à ces projets.
Un déménagement n’est jamais une petite affaire ! Mais quand il s’agit de déménager une grande maison qui n’a pas bougé depuis 150 ans, c’est un peu autre chose.
La première décision prise fut d’acheter une camionnette Citroën pour pouvoir transporter nous-mêmes ce qui pouvait l’être. Cette camionnette nous a rendu grand service car elle commença par faire l’aller-retour entre les deux maisons, une fois pleine, une fois vide, à peu près une fois par jour, puis le rythme s’accéléra, et ce fut souvent deux fois par jour.
Au monastère, ce qui se passe a été bien décrit dans une chronique par une sœur de Vanves, venue nous aider. Je vous lis son texte ; « En guise de chronique, il faudrait quelques dessins… Dans un coin du premier dessin, mettez une petite affiche avec le mot : « Équipe », sous lequel on lit une date, une heure, un lieu et les noms de quatre sœurs. Au centre du dessin, une grande armoire suspendue entre la rampe et le mur d’un vieil escalier tournant, et quatre sœurs pliées, coincées, rouges, poussiéreuses… On entend, (car c’est un dessin animé, sonore) des « Attention, attention ! Ça penche ! Attention, mes doigts ! » Malgré leur fréquence, ces cris vigilants font toujours choc. Ou bien, c’est une autre voix qui encourage « Ce que vous vous y prenez mal par derrière… ». Enfin dans l’autre coin du dessin, une sœur dans son lit rêve la nuit qu’elle est écrasée par un autobus. Réveillée en sursaut elle se souvient : « le déménagement, les courbatures ce n’est que cela ! »
Nous avons aussi été aidées par plusieurs sœurs de Vanves et aussi par les moines de Bellefontaine que le Père Abbé Emmanuel avait proposés. Ainsi que deux de leurs ouvriers. Cela nous ne l’oublierons jamais. Ils sont venus plusieurs fois et seront là le 11 Août pour aider aux chargements du déménageur de Cholet à Chemillé et à Martigné.
Les animaux avaient été transportés dans des voitures ad hoc : poules, vaches, cochons, nous ont suivies sans problème. Et nos frères de Bellefontaine, avec deux de leurs tracteurs, ont emmené la paille et le foin des bêtes.
A ce moment-là, la communauté en grande partie avait déménagé elle aussi pour Martigné. Le Dimanche 13, le Père Aumônier adresse pour la dernière fois la parole aux fidèles qui viennent régulièrement à l’Eucharistie « Vous savez, mes Frères, que les Bénédictines ont décidé de se transporter à un autre endroit plus propice à leur œuvre de prière et de retraite. Dès demain, ces religieuses quitteront Chemillé. Depuis plus d’un siècle et demi dans ce monastère, la prière conventuelle était assurée. Cette tradition continuera, mais dans un autre lieu. Les églises sont des temples de Dieu et il est douloureux de voir leurs portes se fermer. Mais nos églises ne sont pas les seuls lieux de la Présence divine, ni les plus parfaits. Les vrais cloîtres de Dieu, ce sont nos âmes….. Méritez de devenir un jour la vraie demeure de la gloire et de la sainteté de Dieu ». Dans l’après-midi de ce jour, les sœurs anciennes ou malades partent pour Martigné.
Le Lundi 14, pour la dernière fois, l’office monastique se récite avec celles qui l’ont assuré depuis 150 ans et c’est très émouvant. Émouvante aussi, la dernière Messe et la lampe du sanctuaire que l’on éteint.
Le reste des sœurs quitte Chemillé le matin et l’après-midi. Le Père aumônier bénit la chapelle aménagée dans l’actuelle grande salle de l’hôtellerie. Tout le monde est là pour chanter les Vêpres de l’Assomption. La page est tournée, mais elle revit encore souvent au fond de nos cœurs, riche de nos traditions et ouverte sur ce que le Seigneur voudra.
Le 17 Août, deux sœurs rejoignent Chemillé pour terminer de ranger les greniers et de préparer tout ce qui est encore à transporter par le déménageur. Ce jour-là, nous accueillons nos frères encore une fois.
Un peu plus tard, nous viendrons chercher nos trois cloches qui sont actuellement au clocher. Après les démarches nécessaires auprès de la Préfecture, ce sont les restes des sœurs de Chemillé qui viennent prendre place dans notre petit cimetière de Martigné le 14 septembre 1963. Le transfert est alors bien terminé. Tout est prêt pour un nouveau départ.
transfert des cloches
transfert du cimetière
la communauté